C’était il y a quelques semaines : mon premier voyage en RDC, pays dont je suis en partie originaire. Et comme toujours, avec une première expérience, il faut prendre le temps de la digérer pour encore mieux l’apprécier… Couleurs, saveurs, cultures, rencontres, rythme de vie, tout s’y vit autrement, même si l’influence occidentale demeure présente. J’en ai bien évidemment profiter pour les tendances capillaires… Premier constat, et ce dès l’avion : des Nappy girls, il n’y en a pas beaucoup à Kinshasa et celles qui le sont, sont considérées comme bohèmes, excentriques, voire négligées. Autant dire que mes cheveux ont été scrutés à la loupe durant ce séjour suscitant curiosité, maladresse et incompréhensions parfois, mais je n’en retiens que le positif. Comme il n’y a pas de hasard dans la vie, j’y ai rencontré Valériane, Kinoise, fan du blog – ma première lectrice à Kin en quelque sorte !!! – et surtout, Nappy Girl de son état. Entretien pour décrypter tout ça…
Bonjour Valériane, pourrais-tu te présenter en quelques mots et nous dire depuis quand tu es naturelle ?
Bonjour, je suis Valériane Ndena, je suis Congolaise et j’ai 25 ans. Voilà, tu sais à peu près tout ! (rires)Cela fait un peu plus de deux ans que je suis nappy : j’avais commencé mes premières recherches sur ce phénomène à la fin de mes études universitaires, en septembre 2011. J’ai alors fait un Big Chop. Comme je n’assumais pas encore, je frisais les pointes, et c’est qu’en décembre 2011, que j’ai coupé la partie frisée. Encore une fois, sans l’assumer vraiment, pour cacher mes cheveux , j’ai alterné les rastas et les tissages avec des breaks où je laissais mes cheveux libres. Mais je ne les aimais pas trop, j’avoue que ce sont les compliments de mes collègues et amis qui m’ont aidée à tenir…
Pour m’inspirer, j’ai aussi beaucoup lu sur le web, regardé des photos et des vidéos et petit à petit, j’ai découvert que l’on pouvait être jolie, sexy, élégante et attractive avec ses propres cheveux. Et c’est en juin 2012 que j’ai dévoilé ma ‘touffe’, j’arrivais petit à petit à les manipuler et les encouragements ont afflué…
Qu’est-ce qui t’a poussée à prendre cette décision ?
La première est d’ordre médical : je souffrais d’une calvitie naissante à cause des défrisages à répétition. Je perdais mes cheveux sur le front, les temps, etc. Le médecin m’ a littéralement demandé d’arrêter d’agresser mes cheveux avec des substances chimiques et des tresses trop serrées.
Hormis ce problème, ma chevelure avait perdu en densité et en beauté.
Enfin, il y avait ce souci permanent de trouver des produits défrisants originaux. Il y a en effet trop de faux et de produits contrefaits sur le marché congolais. Depuis que je suis nappy, j’ai compris que les produits miracle pour changer de texture n’existaient pas et que ceux qui se targuaient de l’être, sont dangereux !! Il faut vraiment faire attention et bien lire les étiquettes!.
Durant mon séjour à Kin, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas beaucoup de filles ou de femmes qui portaient leurs cheveux au naturel. Soit elles étaient défrisées, soit elles portent des rajouts. Comment expliques-tu cette tendance ?
Bien que Kinshasa soit la ville des métissages de cultures et mœurs, on n’y accepte pas encore vraiment les Nappy Girls. Hormis la communauté artistique où pas mal de femmes portent les dreadlocks, il est rare de voir des filles avec leurs cheveux naturels.
Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années 70, avec le retour à l’authenticité imposé par le gouvernement de l’époque, hommes et femmes étaient contraints de s’habiller à la zaïroise, c’est-à-dire en pagne et avec les cheveux naturels. Parallèlement à cette restriction, les congolaises qui vivaient à l’étranger revenaient au pays avec des cheveux lisses, une coloration ou des mèches. C’était perçu comme un signe de liberté, d’autonomie et aussi de statut social (= statut qui vous permet de vous payer les cheveux que vous voulez).
Le message envoyé par les congolaises de la diaspora était interprété comme suit : « Nous avons des cheveux lisses ou frisés, la vie facile et nous pouvons faire ce que nous voulons ! ». Qu’elles me pardonnent mon indulgence envers elles !!J
Aussi les mamans (femmes plus âgées) nous faisaient porter nos cheveux naturels par obligation et non, parce que c’est naturel. Dans le même temps, elles se défrisent tout le temps et portent des extensions, ce n’est pas très encourageant pour les jeunes filles qui veulent toutes ressembler à leur mère…
Enfin, il y a les filles des campagnes qui une fois, arrivées en ville, veulent se défriser les cheveux et travailler pour s’acheter des extensions.
Pourtant, dans un pays où il fait si chaud, on a peine à croire que les rajouts soient ce qu’il y ait de plus confortable ?
Ahahaha… Les congolaises te répondront que c’est plus confortable de peigner ses rajouts que leurs propres cheveux ou qu’ils sont moins volumineux que leurs propres cheveux haha… Je reconnais aujourd’hui que c’est fou de porter des rajouts, surtout ceux en synthétique made in China, juste parce que c’est plus facile ! C’est inconfortable, ça prend la poussière et comme notre climat humide n’aide pas beaucoup non plus. J
Quel regard tes proches ont-ils porté sur toi quand tu as décidé de revenir au naturel ?
J’avoue que le plus beau des regards, c’est celui de mon fiancé : il adore ‘mes vrais cheveux’ comme il n’arrête pas de le souligner. Pour lui, les rajouts ne me mettaient pas autant en valeur… Du côté de mes amies, ce n’est pas du tout le même refrain : j’ai eu droit à « Mais que t’arrive-t-il ? », « Ton coiffeur est décédé ou quoi? », « Je peux t’en présenter un meilleur si tu veux ? »… J’ai eu beau leur présenter les avantages du naturel et surtout, les inconvénients du défrisage et là, j’ai les excuses du genre : « Nos hommes n’aiment pas », « C’est trop difficile à manipuler et à entretenir », « Toi, tu es la femme d’un Blanc »… Bref, ça ne fait pas très pro de porter son Afro libre, tu as toujours l’air un peu trop libre aux yeux des congolais. Ce qui n’est pas faux dans mon cas, je suis juste un peu originale hihihi !!J
Parle-nous de ta routine : est-ce difficile de trouver les bons produits à Kin ?
Pour l’instant, j’achète tout au rayon cosmétique des duty-free. Le hic, c’est que ce n’est pas bio ni toujours très naturel mais je suis en recherche constante pour élaborer une vraie routine, notamment grâce à ton blog !
J’utilise des lotions hydratantes comme le Coconut Oil Moisturizer de Easy Waves ou la mayonnaise d’Olive Oil et des compositions à base de cholestérol pour démêler. J’utilise également le cholestérol en soin hebdomadaire mélangé avec un jaune d’œuf, du lait en poudre et du miel. Parfois, je remplace le lait par un avocat Mes cheveux adorent !!
Pour dire vrai, je tâtonne encore, je prends un peu tout au venant et si le résultat est bon, je l’intègre dans ma routine. Je me sens très débutante mais rendez-vous d’ici trois ou quatre ans pour parler de mon identité nappy et de ma super routine !!J
Selon toi, la tendance nappy à Kin, possible ou impossible ?
Possible, sans hésiter !!! J’y pensais très récemment car j’ai trois copines qui ont big-choppé pour retrouver leurs cheveux naturels. Elles ont peur du regard des autres et surtout de l’entretien que cela demande car elles ont perdu tout repère. D’ailleurs, je me rappelle juste quand nous étions enfants, nous portions quasi toutes les cheveux naturels. Mais déjà, nous rêvions toutes d’arriver à l’âge adulte pour les défriser ou porter des tissages qui n’ont rien à voir avec nos racines. On a toutes défrisé pour la première fois entre 12 et 18 ans.
Face à ce phénomène, je me disais « Pourquoi ne pas créer une page sur les Nappy de Kinshasa ? ». Pour échanger nos trucs et astuces, référencer les bons produits, lister les plus toxiques qui se vendent sans autorisation ou test, au vu et au su de tous. C’est vraiment grave ! Ce projet serait une bonne façon de mobiliser la jeunesse congolaise parce qu’à côté de la misère qui règne ici, nous disposons des services de télécommunication très bon marché
Et comment envisages-tu ton futur capillaire ?
J’ai pensé aux dreadlocks à un moment donné mais sans plus. Là, je me suis fixée pour objectif de porter mes cheveux naturels à mon mariage. Ca va motiver beaucoup de monde, j’espère ; en particulier mes deux sœurs : l’une qui s’est longtemps défrisée est nappy depuis peu et l’autre qui n’a pas encore fait de défrisage pourrait être tentée de me suivre également… En tout cas, moi, je suis nappy et je m’y tiens !!!
Source (photos): © Valériane Ndena, © nappyisbeautiful – Montage photos : © nappyisbeautiful.be /Tous droits réservés ©.
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