Non, les Kardashian n’ont pas inventé les tresses !!

Boxer braids, cornrows, tresses indiennes, coiffure ethnique et tout récemment KK Braids… Vous l’aurez remarqué, les tresses africaines dites aussi collées ou plaquées– car oui, dans tous les cas de figure, il s’agira toujours de tresses africaines – sont particulièrement en vogue en ce début d’année, sauf bizarrement quand il s’agit de préciser leur origine et c’est bien là, qu’est le hic !! En effet, pourquoi ne pas dire tout simplement que ces tresses, et toutes les variations qui vont avec, sont l’héritage d’un art ancestral africain? Pourquoi trouver cette coiffure « géniale, hyper tendance, etc » quand c’est une femme blanche qui les porte et «tribale, fun, pas très sérieuse,… » quand c’est une femme noire qui les porte ? Tentative de réponse…

C’était il y a quelques jours, Kim Kardashian nous sortait son petit tutoriel payant (!) où elle explique fièrement comment réaliser « des tresses du style Kardashian »… Hm, hm, me dis-je: après ses fesses ultra-rebondies et pas très naturelles, après ses lèvres repulpées et pas très naturelles non plus, nous la voilà qui se la joue style : « Salut, c’est Kim, je vous présente aujourd’hui un nouveau style capillaire : les KK Braids »…

Doit-on lui en vouloir d’avoir su flairer le bon filon et de surfer sur une tendance décryptée en long et en large dans tous les magazines de mode, depuis le début de l’année ? Je répondrais que non puisqu’elle a fait du personal branding la clé de son succès… Et puis, il se pourrait bien qu’avec son immense popularité, elle donne envie à ses followers féminins comme masculins, de s’y mettre ou de simplement (re-)découvrir cette coiffure séculaire.

www.kimkardashianwest.com ©/ usmagazine.com ©

Par contre, là où j’en veux à Kim Kardashian mais surtout aux médias surfant sur la vague, c’est d’omettre la véritable origine des tresses, à savoir qu’elles sont africaines !!! Est-ce si difficile à accepter ? C’est à se demander où est le problème?… Une phrase – je dis bien, une phrase – suffirait pour redonner ses lettres de noblesse à une coiffure longtemps moquée, caricaturée voire dénigrée alors que l’histoire de la tresse est riche parce qu’elle représente un savoir-faire transmis de génération en génération et ce, depuis la nuit des temps…

En sociologie, ce phénomène de vol des normes esthétiques propres à une culture donnée par une autre tout en dénigrant la première, se définit comme étant de l’appropriation culturelle. Un mécanisme complexe sur lequel je lis pas mal de choses en ce moment… Je vous invite d’ailleurs à lire entre autres, l’article suivant qui résume le phénomène de manière assez complète. Et le souci est que nous avons tellement « bien intégré » ce phénomène, que celui-ci est devenu normal hélas, voir banal.. Pour preuve, en parlant de nos fameuses tresses, l’engouement médiatique – mais pas seulement – autour de la « Kardashian Braidsstory » sans chercher à approfondir davantage sur le sujet...

Qu’on soit clair, on ne parle ici de simple échange de culture propre aux sociétés multiculturelles ou métissées mais bien d’un réflexe devenu quasi inconscient d’usurpation culturelle. Le secteur de la mode à cet égard en fournit de forts beaux exemples. Certains diront que c’est précisément cela qui fait aussi sa richesse mais c’est un autre débat.

Revenons-en aux tresses: saviez-vous que les pharaons d’Egypte portaient les cheveux tressés ? Saviez-vous que la complexité d’une coiffure tressée répondait à l’époque – mais encore aujourd’hui – à un système de codification sociale ou encore à un processus d’identification des différentes ethnies africaines? Connaissiez-vous l’existence de la Dame de Brassempouy, la toute « première dame » de France (23.000 ans av JC !) et qui n’est autre que la représentation d’une femme africaine ? Des faits historiques comme ceux-ci, il y en a plein d’autres… Un rapide petit tour sur Google devrait vous en convaincre!!

Eh oui, la tresse africaine se décline depuis toujours de mille et une manières (tresse couronne, vanilles ou twists, rasta, dreadlocks, etc) et reste très pratiquée aujourd’hui par les populations d’origine africaine mais pas seulement. Le hip hop et le R&B ont également contribué à populariser cette coiffure dans le monde entier. Bref, il y a de quoi dire sur ce qui n’est à la base que l’assemblage résultant de l’entrelacement à plat de trois mèches de cheveux dixit Le Larousse…

Fort heureusement, la toile veille comblant ainsi le vide des médias traditionnels: quantité d’articles de référence sont disponibles en ligne pour nous parler un peu, beaucoup, passionnément des tresses et de leur histoire et faire évoluer les mentalités mais aussi la pratique de cet art… J’en appelle ainsi à la responsabilité des coiffeurs spécialisés qui ont un rôle important à jouer dans cette transmission du savoir!! En ajoutant qu’il est dommage qu’on les entende pas beaucoup dans le débat actuel…

Pensons plus loin: et si les femmes noires profitaient elles-aussi du débat actuel pour avoir encore davantage confiance en elles quand il s’agit de créativité capillaire? Il nous arrive encore trop souvent de ne pas réaliser la valeur de ce que nous créons et que les autres nous envient. Or, tenez-vous le pour dit : on ne copie que ce qui inspire!! La vérité est que les femmes noires sont belles avec leurs tresses et il est de notre devoir de le faire savoir en se documentant, en partageant nos connaissances et en éduquant dans ce sens la prochaine génération. 

Lupita Nyong'o /Getty Images ©

Ciara / Getty Images ©

© compte Instagram @beyonce

C’est là qu’arrivent les commentaires nauséabonds que j’ai pu lire ci et là qui disent à peu près ceci: « Mais pourquoi vous (= les noirs) pensez avoir tout inventé? »« Vous êtes toujours dans la revendication avec votre complexe d’infériorité » et j’en passe… Bêtise humaine, quand tu nous tiens!! Est-ce de notre faute, si les tresses trouvent effectivement leur origine en Afrique?? Instruisez-vous au lieu de déverser des inepties, non mais!!!..

© compte Instagram @JTOfashion

Un autre point qu’il me tient à coeur de préciser : il ne faudrait pas non plus verser dans l’autre extrême qui constituerait à traiter de raciste, toute personne non africaine (ou d’origine africaine) qui porterait des tresses comme j’ai pu le liresur le site simplyetfunky.beComme le résume la blogueuse à qui c’est arrivé: « Je pense qu’on doit voir de façon positive le fait que ces influences venues de partout se mélangent et créent une multitude de cultures mondiales appropriables par tous, au lieu d’essayer de les cloisonner ». Sur ce point, je suis d’accord avec elle sur ce point : chacun est libre d’expérimenter, de faire ce qui lui plait et d’arborer le style capillaire de son choix mais rajouterais-je, du moment que cela se fasse dans le respect de la culture d’origine!! 

Stop au dénigrement systématique d’un groupe ethnique par rapport à un autre !!!… Et là, je m’adresse tout particulièrement aux médias pour qu’ils fassent leur boulot, en réalisant des reportages un peu plus profonds sur le sujet et surtout, en mettant à l’honneur des femmes de toutes origines arborant des coiffures similaires… Naïve? Certains le font déjà – certes de manière sommaire – alors ne pourquoi pas poursuivre dans cette voie?

Cara Delevingne/Getty Images ©

Jennifer Lopez/Getty Images©

Jourdan Dunn par Mash Maltsava pour Gemey Mabeylline New York ©

Dernière chose : vous pourriez en effet vous dire que je blablate beaucoup mais qu’entretemps, vous ne m’avez jamais vue porter de tresses. L’explication est simple: les années de tissage « pour faire pousser mes cheveux » (merci, cher coiffeur!!) les ont considérablement affiné, au point de développer à l’époque, une alopécie de traction. Même si tout va mieux aujourd’hui, mes cheveux n’en demeurent pas moins fragiles… Du coup, et sur conseil médical, j’ai fait le choix d’éviter tout phénomène de traction. Cela ne m’empêche pas d’expérimenter de temps à autre des petites coiffures comme ici lors de mes vacances à Zanzibar le mois dernier… Voilà, voilà! 

© nappyisbeautiful.be

Pour conclure cet article, j’ai choisi cet extrait d’un article dédié aux tresses du blog BlackBeautyBag qui correspond bien à ma pensée: « Alors un peu de respect pour cette coiffure qui ne veut sûrement rien dire pour vous, mais pour nous, elle accompagne des souvenirs de petites filles, de femmes et de mères. Si pour vous notre coiffure vous fait penser à un poulpe, chez nous autres qui la portons, nous en sommes fières et marchons avec nos tresses comme de dignes reines noires. ». A bon entendeur…

 

Source (photos) : © compte Instagram @kimkardashian, © compte Instagram @khloekardashian et © compte Instagram @kyliejenner (pour le montage en cover), © www.kimkardashianwest.com et © usmagazine.com (tutoriel),  © compte Instagram @JTOfashion,  © compte Instagram @beyonce, © Mash Maltsava pour GemeyMabeylline New York (photo de Jourdan Dunn), © Getty Images (pour les photos de Cara Delevingne, Ciara, Jennifer Lopez et Lupita Nyong’o), © Google Images pour la photo patchwork en noir et blanc, © nappyisbeautiful.be – Montage photos : © nappyisbeautiful.be /Tous droits réservés ©.

 


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